Espace élus

Santonnier depuis vingt-cinq ans, Frédéric Lambert nous a reçu dans son atelier à Carpentras pour évoquer son beau métier.

Comment avez-vous commencé ?

« J’ai commencé avec ma maman, il y a vingt cinq ans, j’en avais alors vingt-trois. C’est elle qui a créé les premiers santons, il y a quarante ans. Comme Obélix, je suis donc tombé dedans quand j’étais petit. Maintenant, je suis santonnier-créchiste à part entière. Je crée et je produis de A à Z avec le statut d’auto-entrepreneur. Je participe au salon de Carpentras depuis huit ans. Ma mère le faisait au tout début. Habitant à Carpentras, je me dois d’y être. Au début, comme j’avais une toute petite production, c’était un acte de présence, je trouvais que c’était important. Et aujourd’hui, on met vraiment le gros de la production. Le métier est très dur. Tous les ans, vous vous posez la même question : est-ce que je vais encore pouvoir en vivre ? Est-ce que les foires et marchés de Noël vont perdurer, compte-tenu de la conjoncture et des évènements ? Pour nous santonniers, c’est saisonnier. Il faut s’adapter. Aujourd’hui, on revient à nos premières amours. On refait de petits salons le week-end. »

Quel est l’emploi du temps d’un santonnier ?

« Tout est planifié : périodes de coulage, de peinture, de réalisation des accessoires. En ce moment, je suis dans la partie vente, qui va du 15 octobre au 10 janvier. Ce sont les expositions, les salons le week-end en local, les marchés de Noël dont un que j’ai depuis 25 ans sur Lyon. À partir de mi-janvier, je fais l’inventaire, je nettoie, je range les santons qui n’ont pas été vendus. Le mois de février, je le réserve pour réparer des moules abîmés ou refaire le modèle parce qu’il est trop ancien et ne me convient plus. En mars, j’attaque le moulage des santons puis celle des animaux. Ensuite, je passe au coulage des accessoires en plâtre le temps que tout sèche. Mon travail n’est pas répétitif. Les étapes de fabrication se succèdent, c’est ce qui est plaisant dans ce métier, ce n’est jamais la même chose. Moi, c’est le côté créatif qui m’intéresse le plus. »

Quels matériaux utilisez-vous ?

« Le véritable santon de Provence est fait en argile. Pour l’accessoire, il n’y a pas de critères spécifiques, ils sont en argile ou en plâtre. J’avais peur de perdre mon identité en me lançant dans les accessoires en plâtre mais le coulage est un gain de temps. Je ne cuis plus que mes santons. C’est aussi résistant et ça sèche à l’air libre. Avec le plâtre, les moules peuvent être en silicone ou en latex. Il y a différentes qualités d’argile, plus ou moins fine selon les santons. Pour les animaux, notamment les moutons, j’utilise de l’argile grise qui devient blanche à la cuisson. C’est un gain de temps, ils sont déjà blancs, je n’ai pas à les peindre, il n’y a plus qu’à faire le socle et les têtes. J’utilise l’argile rouge pour le santon et l’accessoire. J’ai fais des tests avec une argile qui devient noire à la cuisson, mais le résultat n’est pas convaincant. Selon les étapes, l’argile prend trois teintes différentes. Au moulage, quand elle est fraîche, elle est rouge brique foncé. Après séchage, elle est plus claire, dans les tons de terre. Après cuisson, elle devient plus foncée. »

Comment procédez-vous ?

« Je modèle le santon puis je crée un moule de plâtre en deux parties jointives. C’est Monsieur Fournier, un santonnier, qui m’a appris à faire les moules. L’argile est abrasive mais un moule peut durer vingt ans. Le matin, je prépare des séries de santons, dix ou vingt selon mes besoins. L’après-midi, j’ébarbe quand l’argile a durci. Ensuite, je passe au lissage avec une éponge humide. Je remplis mon four de santons et je lance la cuisson. L’argile rouge cuit à 950° pendant 10 heures. La température monte lentement pendant 4 heures pour éviter le choc thermique et chasser l’humidité. Puis, c’est le grand feu pendant 6 heures. Quand le palier des 950° est atteint, la cuisson dure encore 15 minutes et le four s’arrête. Là, ce n’est pas comme avec un four domestique, on n’ouvre pas la porte tout de suite. À 950°, l’argile est rouge braise. Le four doit refroidrir lentement, pendant 48 voire 72 heures. »

Pour la peinture, vous avez une méthode ?

«  Là aussi, c’est en série. J’utilise de la peinture acrylique. Je trouve qu’elle a une bonne texture et un bon pouvoir couvrant. Avec les animaux, j’utilise l’aérographe dans les finitions. Pour les figurines, je peins comme quand on s’habille. Je commence par la couleur chair. Je fais les visages, les mains. Ensuite, je peints les vêtements de dessous, les chemises, pantalons, vestes, ceintures. Et je termine par les visages, les yeux, la bouche. »

Quelle est votre production ?

« Je faisais du 3 cm, du 5 cm, du 7 cm, du 9 cm et du 12 centimètres. J’avais trop de modèles. J’ai arrêté le 3 cm et le 12 cm. Avoir trop de collections, ça ne me permettait plus de développer les plus demandées. La collection standard est le 7 cm, c’est celle qui se vend le plus.  J’ai environ 120 modèles pour le 7 cm, sachant qu’il y en a que je ne produis plus. Je préfère continuer à produire les principaux, les Nativités et tout ce qui englobe la Pastorale. Le santon doit rester accessible à tous. C’est un art populaire. Il y a du santon expressif, du santon naïf, moi je me situe entre les deux. »

Vous ne faites que des séries ?

« Je réalise aussi des commandes spécifiques, des modèles uniques pour des amateurs qui montent des crèches de 10 à 16 m2 dans leurs communes un peu partout en France : le Nord, le Jura, la Bourgogne. Ce sont des pièces en argile traditionnelles : une grange, une chapelle, une auberge pour des santons de 6 cm. Ici, je ne fais pas de moule. Je me sers de mes bases pour aller un peu plus vite. J’ai mis une semaine pour créer tous ces éléments (une demi-dizaine). Je ne fais pas de reproduction à l’identique. Pour moi, la crèche est un art populaire, je ne veux pas de bâtiments carrés. Mais vous ne savez jamais si ça va tenir à la cuisson. Les pièces doivent être absolument sèches sinon la pièce casse. Au collage, il peut y avoir une impureté, une bulle d’air. Et là, c’est la catastrophe, ça éclate. »