Espace élus

Quel est le rôle des élus et des agents administratifs dans la transition énergétique et écologique ? Quelle est la place du citoyen dans cette évolution ? Quelles sont les grandes orientations et comment se mettent en place les projets ? Sandrine Raymond, vice-présidente déléguée à la Transition énergétique et écologique et maire de Saint-Pierre-de-Vassols, répond à toutes ces questions et plus encore.

Retrouvez Sandrine Raymond dans l'article "La révolution climatique" à lire dans les pages 14 et 15 de l'Intercom 96.

Pour nous, élus, il est important de se former et de travailler ensemble sur les problématiques environnementales. On arrive à cerner les problèmes et l’on réfléchit à la façon d’y remédier. C’est par une prise de conscience collective que l’on peut y arriver.

Sandrine Raymond

Vice-présidente déléguée à la Transition énergétique et écologique et maire de Saint-Pierre-de-Vassols

Comment se mobilisent les services pour mettre en œuvre le plan Climat ?

« J’ai déjà rencontré les services qui travaillent d’arrache-pied et qui sont précurseurs sur le territoire. Car avant d’aller vers l’usager, il faut d’abord être exemplaires. Et l’on montre l’exemple avec Klaxit (application de covoiturage) et le COT (Contrat d’objectifs territorial) piloté par Geneviève Boissin (cheffe du service Environnement et Énergie) avec l’aide de notre facilitateur Denis Savanne. La transversalité est essentielle. On doit se poser les bonnes questions : quelles sont nos pratiques ? Que peut-on faire pour les améliorer ? C’est avec l’intelligence collective que l’on arrivera à quelque chose de conscient, de cohérent et de raisonné. Cette empreinte verte est déjà bien intégrée aux projets, elle est un peu l’essence de la CoVe. Ce n’est pas pour les agents une question nouvelle, on voit que les interrogations et les réflexions sont déjà bien approfondies. Maintenant, il faut se tourner vers les usagers pour être pédagogues, montrer l’intérêt personnel et collectif. Et nous les élus, nous devons donner l’exemple. »

Comment les élus se sont-ils approprié le dossier ?

« Un groupe de travail Transition énergétique travaille sur ces questions d’actualité comme Prioréno* (pour la rénovation du patrimoine public). La rénovation énergétique de l’habitat est l’une des priorités du plan Climat de la CoVe avec les transports. Cela fait deux ans que nous connaissons une période difficile avec des reports de réunions et de projets. Après les élections (2020), et l’arrivée de nouveaux maires, il a fallu s’approprier les dossiers et assurer la continuité. Cela n’a pas empêché les services de la CoVe de poursuivre le travail. Pour nous, élus, il est important de se former et de travailler ensemble sur les problématiques environnementales. On arrive à cerner les problèmes et l’on réfléchit à la façon d’y remédier. C’est par une prise de conscience collective que l’on peut y arriver. »

Comment mobiliser la population sur ce thème du climat ?

« On va s’inspirer des rencontres avec les services et les agents de la CoVe. Ce sont aussi des habitants du territoire. Chez soi, chacun a des pratiques établies, chacun expérimente de son côté. On a des services très compétents qui se posent les bonnes questions sur l’incidence des projets sur le climat, sur ce qui est vertueux ou pas. Aujourd’hui, on veut mettre les usagers au cœur de cette réflexion. Par exemple, à Saint-Pierre-de-Vassols, on a lancé un projet de deux composteurs partagés. Il faut éduquer, faire de la pédagogie notamment avec les médiatrices du tri de la CoVe. Au Beaucet, ce mode de compostage fonctionne déjà très bien depuis plusieurs années. Nous allons aussi faire du broyat avec les sapins de Noël pour le réutiliser sur les plantations. Il faut être vertueux et toujours se demander ce que l’on peut faire du déchet que l’on produit. Est-ce que l’on peut le récupérer, le recycler ? Cette année, la CoVe va miser sur la communication pour mobiliser autour de la transition écologique. 2022, c’est l’année phare, notre plan Climat est le premier signé du département. On est même en avance par rapport à d’autres intercommunalités qui n’ont pas notre maturité environnementale. »

Quelles sont les aspirations de la présidente de la CoVe, Jacqueline Bouyac, sur ce sujet ?

« En tant que présidente de la CoVe et du Parc régional du Mont Ventoux, elle est doublement concernée et convaincue du bien-fondé de l’action que l’on doit mener sur le territoire. La mise en œuvre du plan Climat repose sur la communauté d’agglomération qui s’en fait le relais auprès des communes et les accompagne. Toutes seules, elles ne peuvent pas y arriver. La mutualisation est capitale. On apprend les uns des autres. Tous ensemble, on s’accorde sur les bonnes pratiques, on échange des solutions, on gagne du temps et l’on va beaucoup plus loin dans le bon sens. »

Quels sont les grands projets cette année ?

« Je dirai le schéma vélo, la mobilité douce, pour aller du domicile au travail. Il y a aussi le projet sur la rénovation énergétique du patrimoine public et tout le volet développement des énergies renouvelables. Les communes sont prêtes à passer à l’action, par exemple sur le photovoltaïque. La CoVe nous accompagne de A à Z, sur la consultation, la localisation, le diagnostic, la mutualisation des achats, les incidences. À Saint-Pierre-de-Vassols, l’école intercommunale et la cantine sont concernées. J’ai signé le permis. Ce sont des projets qui prennent parfois trois ans avant d’émerger. Pour nous, le soleil, c’est l’énergie propre et verte la plus indiquée. La transition écologique, ce sont aussi les circuits courts, l’économie circulaire puisqu’on travaille avec les entreprises du territoire depuis un petit moment déjà. Des entreprises jouent déjà le jeu et sont parfaitement conscientes de ce qu’elles peuvent changer dans leurs façons de travailler. Sur le marché-gare, les transporteurs mutualisent les camions pour la livraison. Sur la zone du Piol à Mazan, on a rendu obligatoire l’installation de panneaux photovoltaïques sur toutes les entreprises. On les accompagne sur des études d’opportunité pour savoir combien cela va coûter et rapporter. Le parking lui sera connecté pour connaître la fréquentation, savoir s’il reste des places. »

Avez-vous déjà lancé des actions dans votre commune ?

« On a le projet des composteurs. On voulait aussi faire un jardin partagé, mais il y a déjà beaucoup de jardins. Finalement, on va partir sur un verger collectif pour conjuguer l’agriculture et la culture, avec des plantes anciennes et des fruitiers. Ce sera une parcelle pédagogique et ludique pour l’école intercommunale qui pourra faire du jus de fruit par exemple. Les enfants y apprendront les bons gestes et prendront conscience de leur environnement. Ce n’est pas parce qu’ils habitent dans un village qu’ils comprennent ce qu’est le travail de la terre de façon raisonnée, sans pesticide. Ce sera aussi un petit poumon vert pour la commune. L’ancien maire a également déjà mis en place des actions sur l’éclairage public avec son extinction de minuit à 5 heures du matin. »

Et en matière de biodiversité ?

« On a noué un partenariat avec la LPO (Ligue de protection des oiseaux) pour travailler sur les hirondelles. On a des nichées très importantes. L’église en accueille déjà soixante-dix à quatre-vingts. On s’est rendu compte que beaucoup de maisons abritaient des nids d’hirondelles. Certains ont été détruits. On a donc commandé des nids artificiels que l’on a fait installer par un cordiste là où la nacelle de la CoVe ne pouvait pas accéder. On a diffusé un document pour expliquer que détruire un nid était passible d’une amende, l’hirondelle étant une espèce protégée. Plutôt que de distribuer des amendes, on préfère sensibiliser. En cas de destruction incontournable de nids, le propriétaire est obligé de les remplacer. On a informé sur ce sujet nos agents qui réceptionnent les documents d’urbanisme. L’an dernier, on a vu arriver une nouvelle famille d’hirondelles. Donc cela fonctionne parfaitement. On travaille aussi avec un agriculteur pour réaliser une passerelle pour les écureuils au-dessus de la rivière, la Mède, et éviter qu’ils ne se fassent écraser en traversant la route. Ce sera un partenariat avec Crillon-le-Brave. »

Personnellement, qu’est-ce qui vous tient à cœur dans ce dossier climatique ?

« C’est la pédagogie auprès des usagers qui me donne envie d’aller à leur rencontre sur le territoire pour leur expliquer tout l’intérêt, tout le bénéfice qu’ils peuvent en tirer. C’est le côté cercle vertueux, émulation, intelligence collective qui me passionne. La transmission des gestes du quotidien que l’on fait sans plus s’en rendre compte, c’est un bel héritage. Mes enfants m’en apprennent aussi beaucoup, ils sont très en avance. Il y a une énorme sensibilisation dans les écoles. Les associations aussi sont très concernées. C’est une question d’éducation. Il faut donner les bonnes habitudes pour préserver notre territoire. »

Que diriez-vous à un climatosceptique pour le convaincre d’agir ?

« Souvent, on est étiqueté écologiste alors que l’écologie est transversale. Le volet social est tout aussi présent que le volet environnemental. Petit à petit, tout le monde va comprendre l’intérêt de la démarche. On a des délais et des objectifs à atteindre. S’ils ne font pas l’effort, ils vont devoir le payer d’une manière ou d’une autre. C’est dommage d’en arriver là. C’est quand même mieux de se dire que l’on fait partie d’un tout et qu’il faut préparer le futur de nos enfants. Qu’est-ce qu’on leur laisse ? Un environnement pollué ? Une alimentation qui n’est pas saine ? On doit conjuguer vivre ensemble et bien-être. La combinaison gagnante est celle-là. Quand on touche aux préoccupations de la famille, on touche tout le monde. Il suffit parfois de dialogue, de pédagogie et de communication. La peur vient souvent de l’ignorance. Les climatosceptiques peuvent avoir des pratiques très écologiques sans s’en rendre compte. On peut leur montrer qu’ils sont aussi déjà acteurs et qu’ils font déjà leur part du travail. »

* Prioréno : l’objectif de ce service, proposé par la Caisse des Dépôts et Consignations et Enedis, est d’identifier dans les communes les bâtiments publics les plus consommateurs d’énergie afin de prioriser leur rénovation énergétique.