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Qu’est-ce qui fait courir Sandra Martin ? Peut-être le plaisir de compléter un palmarès déjà époustouflant. Double championne du monde par équipe et championne de France individuelle de trail long, la bondissante balméenne dompte distances et dénivelés depuis bientôt dix ans dans tous les massifs de l’hexagone.

Quand avez-vous commencé à faire du sport ?

« De poussine jusqu’à dix-huit ans, j’ai toujours fait du handball, en commençant par le club de Beaumes puis au HBC de Carpentras. Ensuite, je me suis dirigée vers la musculation et la gymnastique dans une salle de fitness. Six jours par semaine et deux heures par jour ! Puis, j’ai eu mes enfants. J’ai fait une grosse coupure de tout sport pendant neuf ans. Et il y a dix ans maintenant, je me suis remise au footing. Je suis tombée dans le milieu de la course à pied complètement par hasard. »

Pourquoi cette attirance pour la course à pied en particulier ?

« Je faisais du footing dans le cadre du handball. Mais courir, pour moi, c’était partir à fond et arriver à fond. J’ai appris avec le kilométrage qu’il fallait se calmer pour durer. Je me suis inscrite au club de la Foulée balméenne pour courir avec du monde. J’ai tout de suite bien accroché. Mon corps était encore marqué par mon passé de sportive et j’avais gardé l’esprit de compétition. À la première course, j’ai fait un premier podium. C’est parti de là. Ensuite, je me suis laissée griser par l’effort mental et physique. »

Vous êtes arrivée au trail dès le début ?

« Basée à Beaumes-de-Venise, je suis partie directement dans la colline. Je ne savais pas que cette discipline s’appelait le trail. À choisir entre la route et la colline, je préférais aller m’isoler dans la colline plutôt que de courir au milieu des voitures. »

Et les premiers succès ne tardent pas à arriver…

« Dès ma deuxième semaine de course à pied, je suis tombée sur un flyer du Grand Raid Dentelles-Ventoux : un cent kilomètres qui arrivait à Gigondas en passant par le sommet du Ventoux. C’était tellement fascinant pour moi que je suis arrivée au club en disant je veux la faire. Tout le monde m’a regardée avec des yeux exorbités en me conseillant de revenir sur terre. Au bout de neuf mois de course à pied, en 2007, je me suis donc tournée vers un 57 km, la Route de la Lavande. Elle allait de Pernes à Sault par les sentiers. Résultat : pendant trois mois mes genoux se bloquaient. Par la suite, j’ai eu la chance de remporter le Trail du Ventoux. Cela fait partie de mes belles victoires. »

Malgré vos résultats, vous êtes une solitaire, pourquoi ?

« Je tiens à ma liberté. La course à pied est un plaisir individuel, une passion, un exutoire. En aucun cas je ne pourrais courir si cela devait contrarier ma vie de famille et ma vie professionnelle. Je ne peux donc pas me plier aux obligations d’une équipe et de ses sponsors. »

Parlez-nous de votre palmarès xxl…

« J’ai remporté des courses en Corse, notamment deux fois le Trail de la Restonica en 2010 et 2011 (70 km), difficiles à cause du relief et de la chaleur de juillet et août. Comme je suis une fille du Sud, les températures caniculaires me conviennent bien. J’ai couru l’une de ces courses avec une fracture de contrainte sur le pied. J’ai mis la douleur de côté. Ce n’est pas malin mais le dépassement mental m’a toujours fasciné. Des victoires, j’en ai plein d’autres comme sur la Sainte-Victoire, un trail très technique. Je n’ai pas souvenir de toutes les courses que j’ai remportée. Le Trail des Templiers, je ne l’ai pas gagné mais j’ai eu la chance d’être parmi les premières françaises avec à la clé une première qualification en équipe de France en 2013. Une belle surprise ! »

Vous avez aussi des titres de championnes !

« J’ai été double championne de France en 2016, en senior et en 2017 en master. Cette année, je suis Championne de France master. Toujours en trail long, soit 55 km. J’ai deux sélections en Équipe de France et deux titres de Championne du Monde par équipe. L’équipe se compose de 6 filles et 6 garçons. On a un stage de cohésion trois semaines avant la course pour contrôler l’état de forme et valider la sélection de toute l’équipe. La première fois, c’était au Pays de Galles et l’an dernier en Italie où j’ai terminé 16e au classement général et 3e de ma catégorie Master. »

Quel entraînement suivez-vous ?

« Je ne fais pas beaucoup de kilomètres, entre 70 et 80 par semaine. Depuis le début, j’ai pris l’habitude de m’entraîner entre midi et deux, quand les enfants étaient à l’école, six jours sur sept. Je ne regarde pas le dénivelé. J’ai longtemps suivi un entraînement planifié puis j’ai arrêté en raison de mes fractures, j’en suis à la sixième sur le pied. J’ai résolu le problème en faisant beaucoup de vélo. Je m’entraîne aux sensations. Si je vois un cycliste devant moi dans le col de Suzette, je le rattrape. Si j’entends un tracteur derrière, il ne faut surtout pas qu’il me double. Tant que je sens que je peux y aller, j’en profite, je fonce. Quand je suis fatiguée, je ralentis. Je ne me force plus à suivre un planning, je fais ce qui m’intéresse et ce qui m’amuse. »

Qu’est-ce que vous apporte la course à pied ?

« Quand je pars au bout du chemin, je ne sais jamais de quel côté je vais aller. Je démarre fatiguée, le moral en berne et je me retrouve à gambader avec le cerveau qui part dans tous les sens. Il ne faut pas réfléchir mais se laisser entraîner. Quand le cerveau devient fainéant, les cuisses doivent lui dire de continuer. Certains font de la course à pied pour voir le paysage ou papoter avec les copains. Moi, randonner, cela ne m’intéresse pas du tout. Il faut que je sois dans mon monde. Je cours en musique et selon la musique je peux pleurer, rire, ou chanter à tue-tête. »

Quels sont vos objectifs pour cette année ?

« Je vais faire le Trail des Citadelles le 1er avril dans les Pyrénées. C’est une épreuve réputée boueuse. Les conditions ne me sont pas très favorables, mais ce nom-là et son organisateur me plaisent. »

L’Ultra-Trail, du Mont-Blanc et la Diagonales des Fous ne vous disent rien ?

« Non, ce n’est pas pour moi. Ces courses me fascinent parce que l’effort est intéressant, mais je préfère courir sans porter ma maison sur le dos. Partir avec un change de pantalons, de chaussettes et de chaussures ne m’intéresse pas. Il y a tellement de formats de course pour se faire plaisir que je reste sur ce que je sais faire et ce qui me plaît. »