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Des urgences en vigilance grippe, des masques sur la bouche, nous sommes fin janvier. Un petit bureau sans fenêtre, un stéthoscope à portée de main. Première femme chef de pôle à l’hôpital de Carpentras, le docteur Audrey Paone est urgentiste depuis dix-sept ans. Sans être du sérail, elle a réussi à s’affirmer.

Comment êtes-vous arrivé dans le milieu médical ?

« J’ai commencé les études de médecine tout de suite après le baccalauréat. J’ai fait quasiment tout mon internat aux urgences de l’hôpital d’Avignon. Je suis originaire de Marseille, mais je ne voulais pas habiter en ville. Depuis que je suis adolescente, je voulais partir à la campagne. J’ai choisi Avignon par hasard et j’y suis restée. »

Pourquoi la médecine ?

« Ce n’est pas de famille. Mon père est artisan dans le bâtiment. Toute petite, je voulais faire vétérinaire. En grandissant, je suis passée à médecin. »

Pourquoi les urgences ?

« Je suis interne en médecine générale. J’ai choisi les urgences dès le début en me disant que j’allais un peu débroussailler le terrain et je n’ai jamais pu les quitter. »

Et vous-êtes à Carpentras depuis quand ?

« Depuis l’an 2000. En arrivant à Carpentras, j’ai connu l’ancien hôpital (Hôtel-Dieu, aujourd’hui Bibliothèque-musée Inguimbertine). Le fait que je sois médecin “thésée”, je travaillais sur deux sites : l’hôpital d’Avignon et celui de Carpentras. Tout le temps aux urgences. »

C’est facile d’être une femme en milieu hospitalier ?

« Le milieu se féminise. Je crois que maintenant, le ratio homme/femme s’est inversé. Il y a plus d’étudiantes en médecine que d’étudiants. Moi, quand j’ai commencé, les urgences comportaient plus d’hommes. Pour les internes, c’était assez mélangé. Mais il n’y avait pas beaucoup de femmes parmi les médecins en place. Il ne faut pas se laisser faire. Il faut avoir du caractère. En temps qu’interne, c’est là que je me suis révélée. Je ne me laissais pas marcher dessus. »

Vous dirigez donc aujourd’hui les urgences du Pôle Santé de Carpentras. Racontez-nous ?

« Depuis avril 2017, je suis effectivement chef des urgences. L’ancien chef de pôle partait. J’ai donc pris la chefferie d’un service dans lequel je travaille depuis 17 ans. Je suis responsable de tous les médecins des urgences, j’organise les emplois du temps et je développe les projets. En ce moment, on en a un beau puisqu’on va tout restructurer et agrandir les urgences qui ne sont pas assez grandes ni assez fonctionnelles pour le nombre de personnes reçues. Les travaux devraient démarrer fin 2019. En ce moment, on réfléchit, on fait des plans. Et pendant les travaux, on vivra dedans. »

Combien de personnes passent par les urgences ?

« En moyenne, cela varie de 70 à 100 personnes par jour et on est proche des 30 000 personnes par an. Donc, pour l’instant, on est bloqué parce que les urgences ne sont plus adaptées. Comme beaucoup d’hôpitaux, on rencontre des problèmes de disponibilité de lits. Beaucoup de patients restent hospitalisés aux urgences. »

Combien êtes-vous aux urgences ?

« Au total, on est onze médecins mais seulement huit en équivalent temps plein car des médecins sont à mi-temps et trois travaillent ici et à l’hôpital d’Avignon. » 

Quelles sont les qualités requises pour travailler aux urgences ?

« La patience, l’empathie, mais je pense que c’est le cas pour tous les médecins. Et la réactivité. Aux urgences, il faut parfois prendre des décisions rapides. Ce sont des qualités qui doivent être communes aux hommes et aux femmes. Il n’y a pas de différences entre les deux. »

C’est plus compliqué pour une femme ?

« Ce qui reste plus compliqué pour une femme, c’est qu’on a son métier et tout le reste à côté. J’ai deux filles de 5 et 8 ans. »

Quel est votre emploi du temps ?

« Par définition, l’urgentiste n’a pas de journée type. Je suis devenue responsable des urgences, mais je fais beaucoup d’activités cliniques. J’ai donc plutôt une semaine type avec une garde de 24 heures, une journée de douze heures ou deux de six heures que je passe avec les patients pour faire tourner le service parce qu’on n’est pas assez nombreux. Et tout le reste, je le consacre aux tâches administratives, aux plannings des médecins, à l’organisation du service et à réfléchir à ce que seront les nouvelles urgences. »

Une fois à la maison, que faites-vous ?

« Je n’ai plus trop de temps pour moi. J’ai un hobby, c’est le cheval. Le soir, je récupère mes filles, je fais faire les devoirs à la plus grande, je m’occupe de mes chevaux tous les jours. Ensuite, il faut donner le bain, faire à manger et après, je n’en peux plus. Il faut toujours courir ! »

Qu’est-ce qu’il y a de plus stressant dans votre vie professionnelle ?

« C’est le problème des urgences en règle générale et des hôpitaux : le manque de médecins, le nombre croissant de patients qui viennent consulter aux urgences par défaut, par facilité. »

Qu’est-ce qu’il y a de plus réconfortant ?

« C’est quand on arrive à sauver un patient en urgence vitale, ou quand on fait normalement notre travail et que les gens nous remercie. »