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Pépiniériste viticole à Caromb, Romain Gourru poursuit la tradition familiale des plants de vigne qui fit autrefois la réputation du village après les ravages du phylloxera à la fin du dix-neuvième siècle.

C'est un métier très compliqué parce qu'il n'est jamais le même d'une année sur l'autre. "

Comment vous êtes-vous lancé dans le métier ?

" Mon père, mon grand-père, mon arrière-grand-père étaient déjà pépiniéristes. C'est une tradition familiale. Autrefois, il y avait plus de cent trente pépiniéristes à Caromb qui était alors la capitale mondiale du plant de vigne. Aujourd'hui, on n'est plus qu'une petite dizaine. Moi, je me suis installé en 2017. J'avais un autre métier, mais je travaillais souvent dans l'atelier avec mes parents pendant la période de greffage qui dure plus ou moins six mois. J'ai appris avec mon père. "

Pourquoi greffe-t-on les plants de vigne ?

" Après la destruction des trois quarts du vignoble français par le phylloxéra à la fin du dix-neuvième siècle, les plants de vigne ont été greffés sur des porte-greffes américains résistants à ce puceron. Ce porte-greffe sert de protection entre la terre et le cépage. À chaque région correspond un porte-greffe. Les viticulteurs font des analyses de sol pour obtenir les caractéristiques de leurs terres et choisir le bon. "

Quelles sont les étapes de la production d'un plant de vigne ?

" En janvier et février, on coupe les porte-greffes sur les vignes mères, puis on prélève les greffons sur les cépages sélectionnés. Pour les conserver, ils sont mis au frigo. À partir de mars, on attaque le greffage. Les plants de vigne sont plongés dans une cire hormonée pour favoriser la soudure. Puis ils sont chauffés à vingt-huit ou vingt-neuf degrés pendant dix à quinze jours. C'est la période capitale. Ensuite, ils sont décaissés et paraffinés avant d'être plantés en terre de fin avril à fin mai, à raison de vingt-cinq plants au mètre. Ils sont arrosés au goutte-à-goutte et entretenus jusqu'à l'arrachage en novembre. Si la soudure a tenu, ils sont à nouveau trempés dans la paraffine et stockés au frigo ou en cave avant de partir chez les viticulteurs. "

Combien de plants de vigne produisez-vous ?

« Ça dépend des années. Avec le Covid on ne sait pas trop où aller. Les retombées, on les verra plus tard. Le temps a permis aux viticulteurs d’arracher et de planter correctement. Mais les domaines viticoles et les caves coopératives n’ont pas écoulé leurs stocks. Les restaurants sont fermés, ce sont des ventes en moins. On espère que tout va rouvrir cet été et que la vie va reprendre son cours. La semaine dernière, il y a eu le gel [dans la nuit du 7 au 8 avril 2021]. À sept heures du matin, il y avait moins cinq degrés, la vigne avait déjà débourré. Elle repartira, mais il faut un peu de douceur maintenant. »

Quels sont vos projets ?

« Les projets, on y réfléchit et on les réalise au fur et à mesure. Quand ça marche, il ne faut rien changer, juste essayer d’améliorer de petites choses. C’est un métier très compliqué parce qu’il n’est jamais le même d’une année sur l’autre. On dépend de beaucoup de choses, notamment des saisons. Pour planter une pépinière de plants de vigne, il faut que la terre n’ait pas porté de vigne pendant six ans. Pour y revenir ensuite, il faut encore quatre ans de repos. C’est difficile de trouver des terres. »

Qui sont vos clients ?

« Mon père a toujours travaillé pour de gros pépiniéristes français. Quand j’ai repris, j’ai essayé de développer une petite clientèle de jeunes viticulteurs qui sont dans la même optique que moi avec une bonne relation de confiance. Ils veulent savoir comment sont fabriqués les plants qui vont donner leurs futures vignes. Beaucoup de viticulteurs ne savent pas comment est fait un plant de vigne ni que les commandes se font dix-huit mois à l’avance. »