Espace élus

Avec sa faconde toute méridionale et sa passion communicative, il est intarissable sur le berlingot qu'il a contribué à relancer. Chaque année, cet ambassadeur de la Provence Créative monte même à Paris avec la Confrérie de la fraise de Carpentras dont il est membre pour faire goûter notre spécialité locale au Président de la République.

Le berlingot, ce n’est pas une recette, c’est du sucre et de l’arôme. Ce qui est important, c’est le savoir-faire un peu apparenté au travail du verre.

Comment devient-on confiseur à Carpentras ?

« C’est une histoire de famille depuis cinq générations. Il y a eu Léon Clavel, mon arrière-grand-père, Marcel Clavel, René Clavel, puis mon frère et moi, Jean et Serge Clavel. J’ai monté ma première société en 1987, j’avais 24 ans. On a alors démarré la diffusion de nos produits sur les foires internationales, les gros salons. »

Quelles sont les spécialités de la Maison Clavel ?

« C’est la confiserie, le chocolat. Et puis on a développé le berlingot qui était en train de péricliter en 2001-2002. On faisait déjà du berlingot sur de petites machines artisanales de 1840, puis j’ai eu la chance de pouvoir racheter le matériel du groupe Cémoi qui est, je crois, le numéro un mondial de la pâte de fruits, et qui avait une structure sur Carpentras. Aujourd’hui, on fait des visites le vendredi et le dimanche et on développe le berlingot de Carpentras qui, à l’origine, est issu du fruit confit. »

Quelle est l’histoire du berlingot de Carpentras ?

« Avec la création du canal de Carpentras, beaucoup de maraîchers et de confiseries se sont installés. Pour confire un fruit, il faut remplacer son eau par du sucre. Ça se fait après plusieurs bains de sucre plus ou moins denses. Au bout d’un moment, le sirop n’a plus de pouvoir sucrant. À l’époque, ils le jetaient. Et Louis François Long a eu l’idée en 1844 de le cuire un peu plus, de mettre quatre gouttes de menthe dedans. Et le berlingot de Carpentras était né. »

De qui tenez-vous votre recette ?

« Le berlingot, ce n’est pas une recette, c’est du sucre et de l’arôme. Ce qui est important, c’est le savoir-faire un peu apparenté au travail du verre. Le berlingot de Carpentras a été une des spécialités françaises les plus vendues dans les années cinquante, et il a fait vivre énormément de familles. À l’époque, de 1920 jusqu’à 1970, il y a eu beaucoup d’entreprises qui faisaient des berlingots, mais aussi des fruits confits, des compotes, des confitures. Ce qui est important, c’est la notoriété de ce produit. C’est une histoire. Plein de facteurs l’ont favorisé à Carpentras et ont permis son développement national. Il y a eu le chemin de fer et la métallurgie, comme Carnaud qui faisait des boîtes en fer, car le berlingot supporte mal l’humidité. »

Quelles sont les saveurs les plus représentatives de notre terroir ?

« La fraise, bien sûr, que l'on développe puisque je fais partie de la Confrérie de la fraise de Carpentras. La cerise, la truffe. Pourquoi partir à dix mille kilomètres alors qu’on a tout ici. Il suffit de les ramasser. On a les meilleurs produits. C’est intéressant de les transformer comme un cuisinier qui prend du porc du Ventoux, de l’ail de Piolenc, du melon de Cavaillon. Moi, j’essaie de faire au mieux de mes possibilités. »

Quelle est votre gourmandise préférée ?

« La fraise bien sûr. J’attends le 15 juin pour les manger, elles sont pleines de sucre, plein champ, c’est là que je me régale le plus. On vient de faire la campagne pour les sirops, les confitures. Ce sont les mêmes fraises que l’on achète en magasin parce que mes producteurs ne me mettent que le meilleur. De ces fraises, on fait le sorbet qui est une tuerie parce qu’on retranscrit exactement le goût du fruit comme dans le sirop. Je fais pareil pour la cerise, l’abricot. »

Vous vendez tous vos produits dans votre boutique à Carpentras ?

« Oui, parce que j’ai vendu la marque Clavel pour la grande distribution. Donc, je ne vends plus que dans ma boutique. Et tout ce qui est vendu ici, c’est moi qui le fabrique.  On fait tout dans nos ateliers : de la confiserie, du sirop, de la pâtisserie, des glaces. Tout est fait de façon artisanale. Il y a une chose que je ne fais pas, c’est le nougat, je le laisse à mon ami Boyer de Sault. »

Qu’aimez-vous plus particulièrement dans votre métier ?

« C’est le développement de produit comme le berlingot. Ce qui m’insupporte, c’est de voir des produits mis au rebut parce qu’ils sont vieux. Les gens qui achetaient les berlingots dans les années cinquante sont toujours là. Aujourd’hui, ils disent à leurs petits enfants d’en acheter pour refaire vivre ce bonbon. »

En vous retournant sur le chemin parcouru, de quoi êtes-vous le plus fier ?

«  C’est du berlingot. Dans les années 2000, je me suis rendu compte que ce produit n’était plus à sa place. Je me suis attelé à le relancer. Mais comment faire ? J’ai donc commencé à faire de l’évènementiel, à aller taper aux portes des journalistes, des télés, des radios. Les gens ont vu que ce n’était pas Serge Clavel qui se mettait en avant, mais le produit, et ça a marché. Ils ont vu que je me battais pour un produit qui était en perdition. De fil en aiguille, je me suis fait un réseau d’amis et j’ai créé des évènements comme le berlingot le plus gros du monde, le berlingot pour l’équipe de France de rugby, pour l’aviation. Avec la Confrérie de la fraise, j’ai eu la chance de le faire monter chaque année au Président de la République, au Sénat, à l’Assemblée, et à Jean-Pierre Pernaut qui est l’ambassadeur des produits locaux. J’ai redonné envie de manger du berlingot. »

Avez-vous des nouveautés en rayon ?

« Cette année, on a créé le fraisichoux. C’est un super produit bien structuré, un chou avec une ganache chocolat blanc et une compotée de fraise. Ma base, c’est pâtissier, mais je suis plus gestionnaire maintenant. L’été, je fais toutes les glaces. Tous les jours, quarante à cinquante parfums. Je commence un peu à décrocher, on est six dont trois dans le laboratoire. Mais je ne me vois pas trop à la retraite. Mon fils et ma nièce sont aux commandes aujourd’hui et ils gèrent très bien. L’histoire familiale continue même s’il ne faut jamais dire que tout est acquis. »

Quand vous n’êtes pas devant vos fourneaux, que faites-vous, quelles sont vos passions ?

« La moto tout terrain, l’enduro. À 58 ans, je commence à lever le pied. Je fais des voyages aussi. Avec la Confrérie de la fraise, on monte à Montmartre le 15 octobre pour les vendanges. C’est folklorique. On distribue le berlingot au lieu de distribuer de la fraise puisque c’est hors saison. »