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Diplômé de l'école supérieure du parfum de Paris, Étienne Morlon travaille pour Stimulation Déjà Vu dans la pépinière intercommunale Mon Premier Bureau de la Provence Créative à Carpentras. La vocation de la jeune pousse québécoise est d'associer émotions et odeurs dans un processus créatif novateur. De grandes sociétés s'y intéressent déjà.

On est en discussion avec l’Office de Tourisme [Ventoux Provence] pour travailler autour de la région et développer son profil olfactif.

Dans quel domaine d’activité exercez-vous ?

« Chez Stimulation Déjà Vu, on développe des expériences olfactives pour le tourisme et culture. Ce n’est pas du parfum à porter sur soi, mais du parfum pour vivre ou revivre des émotions. Quand on voyage, tous les sens sont stimulés. Nous, on essaie d’appuyer sur celui de l’olfaction. Stimulation Déjà Vu se démarque aussi au niveau de la recherche biométrique et de l’Intelligence Artificielle. Il y aura la réplique du laboratoire montréalais d’analyse biométrique dans nos bureaux. Nous inviterons des participants de la région à se joindre à ces tests lors de différentes études sensorielles. »

Quelle est votre formation et quel parcours professionnel avez-vous suivi ?

« J’ai fait l’école supérieure du parfum à Paris après un baccalauréat scientifique et des stages notamment dans le laboratoire de création Flair à Paris en tant que parfumeur junior. J’ai essayé d’explorer les différents domaines de la parfumerie pour en avoir une vision globale. Ensuite, j’ai fait une formation à Berlin dans la création de cocktails. Après quelques mois de travail dans le milieu du bar et de la restauration que je trouve similaire au processus de création de parfum, j’ai rejoint Stimulation Déjà Vu. »

Qu’est-ce qui vous a poussé à travailler dans le parfum ?

« J’ai toujours aimé les arts, les sciences. Le parfum s’est imposé petit à petit. Mais ce qui m’y a tant fait adhérer, c’est la curiosité à l’égard de cet univers, il y a toujours quelque chose à découvrir. Cela demande beaucoup de travail comme un muscle que l’on entraîne. Il faut sentir tous les jours. Le métier est accessible à tout le monde, mais la curiosité et la créativité sont de mise. »

En quoi consiste le métier de parfumeur ?

« On mélange des matières premières afin de créer des odeurs normalement plaisantes. On a une demande que l’on appelle le “ brief ” de la part du client qui nous explique son projet. On essaie d’y répondre en plusieurs sessions pour s’approcher le plus possible de ce qu’il désire et de ce que l’on veut exprimer olfactivement. »

Comment vos clients expriment-ils leurs souhaits ?

« Par des mots, des images, des sons, de la musique. Plus il y a d’informations différentes, plus facile est la création. C’est très subjectif, un peu comme en cuisine. Au sein de Stimulation Déjà Vu, nous avons ce qu’on appelle un “anti-brief”, qui est un résumé des demandes des clients, avec notamment des émotions et des ressentis qui doivent transparaitre. Puis nous faisons des assemblages, des propositions assez fortes afin d’évaluer laquelle ou lesquelles seraient les plus pertinentes, que nous soumettons au client lors de “rondes”. Puis nous évaluons les assemblages des dernières “rondes” grâce à la biométrie afin de s’assurer du ressenti des émotions. »

Pourquoi vous êtes-vous installé dans la pépinière Mon Premier Bureau ?

« Ce sont mes patronnes québécoises qui ont ouvert la filière en France. L’agence Vaucluse Attractivité leur a fait connaître la pépinière. L’accueil et les gens autour ont aussi motivé leur choix. D’un point de vue géographique, c’est plutôt bien situé. On est près des champs de lavande et l’on peut partir dans toutes les régions de France pour rencontrer des clients, voir les lieux et s’en inspirer. »

Travaillez-vous déjà sur les odeurs du terroir ?

« On est en discussion avec l’Office de Tourisme [Ventoux Provence] pour travailler autour de la région et développer son profil olfactif. Est-ce qu’on parfume les offices de tourisme, des musées, des festivals, d’autres événements ? On peut s’appuyer sur des supports comme des bâtonnets trempés dans une solution ou des bornes qui s’activent quand on les approche. »

Y a-t-il des odeurs emblématiques sur notre territoire ?

« La lavande couvre 90% des surfaces de plantes à parfum de la région. On a les plantes aromatiques, la truffe, la fraise. Il y a un côté assez sec d’un point de vue olfactif. Il pleut assez peu, il y a du vent. Quand on arrive à Carpentras, il y a vraiment une odeur d’air presque grillé. »

Qui sont vos clients ?

« Des offices de tourisme, les galeries Lafayette, ou encore l’aéroport de Montréal qui voulait installer une ambiance olfactive pertinente pour évoquer les destinations de voyage. Comme on s’appuie sur la biométrie, on peut calculer l’impact émotionnel des odeurs. C’est très scientifique. Les odeurs sont le vecteur le plus fort pour les émotions et le souvenir. »

Savez-vous dès le début de quels éléments vous avez besoin pour créer une odeur ?

« On se fait appeler des nez, mais beaucoup de parfumeurs trouvent que c’est assez réducteur. C’est le cerveau qui sait à l’avance ce que va donner une formule écrite. Le nez lui n’est qu’un outil qui vérifie si le cerveau avait vu juste ou s’il faut retravailler certains aspects. »

Combien d’échantillons d’odeur avez-vous à votre disposition ?

« J’en ai un peu moins de deux cents, mais j’étoffe ma collection petit à petit. Peu importe où l’on se trouve dans le monde, on peut avoir la même bibliothèque. C’est comme avec les couleurs, les notes. On est un peu peintre, cuisinier, musicien. On a du vocabulaire en commun avec ces trois métiers. »