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Quand avez-vous pris les commandes du Chalet Reynard ?

« Depuis environ quinze ans. Je connaissais le chalet, je tenais le restaurant du domaine de Bélézy à Bédoin. Je venais ici boire un chocolat, manger une crêpe. Je voulais quitter cette profession pour ne plus avoir à travailler le soir et préserver ma vie de famille. Travailler sept jours sur sept, ce n’est pas un problème. J’avais demandé à l’ancienne propriétaire, Mireille Brun, de penser à moi si elle vendait. L’occasion s’est présentée. Et ça s’appelle toujours le chalet Reynard, je ne voulais pas sortir de cette identité. Pas un des propriétaires qui se sont succédé depuis Manin Reynard [la fondatrice] ne l’a changée. »

Combien de personnes employez-vous au chalet ?

« Avec l’ouverture du restaurant semi-gastronomique à l’étage en octobre 2017, on est sept ou huit à l’année. Le restaurant est géré par Patrick Davico, l’ancien chef de Christian Estienne, avec son épouse. Ce sont des gens que je connaissais et avec qui je voulais travailler. Le restaurant est ouvert toute l’année à midi, sauf le lundi et le mardi, et propose une trentaine de couverts. On est spécialisé dans la truffe, d’été, d’hiver, et le cochon du Ventoux. En bas, c’est un turn-over, façon brasserie. De onze heures jusqu’à dix-sept heures en hiver, il faut servir. »

Qui sont vos clients ?

« Ce qui est fabuleux, c’est qu’il y a du monde en toutes saisons. D’avril à octobre, ce sont des cyclistes à 90% et quelques randonneurs. Depuis quinze ans, l’évolution est impressionnante. Pour les nationalités, on voit un peu tout le monde. Beaucoup de Belges et de Hollandais, des Allemands, des Anglais, des Suisses, des Canadiens, des Australiens et même des Colombiens. »

Comment se passe une étape du Tour de France au chalet ?

«  C’est la folie. Il y a trop de monde. Si je suis venu ici, c’est pour la clientèle sportive, des gens posés, les marcheurs, les écolos. Moi, la fête et l’ivresse, ça ne me plaît pas. Bon, le Tour de France en lui-même est super pour la région. C’est un afflux touristique colossal. Parfois, on privatise l’étage pour en faire le PC course de l’organisation. Et ici, en bas, on fait un poste forain sur la terrasse. Il ne faut surtout pas laisser rentrer dans le restaurant, c’est ingérable. »

En hiver, les clients sont-ils au rendez-vous aussi ?

« Si nous avons le bonheur d’avoir de la neige, nous avons toutes les familles qui viennent faire du ski et de la luge sur les cinq pistes. On se donne un coup de main avec les bénévoles de la station. L’an dernier, elle n’a pas ouvert faute de neige. Quand il neige, la route est vite ouverte. On appelle l’équipe d’astreinte du Département et elle nous dégage côté Sault et côté Bédoin. »

Vous vendez des produits dérivés ?

« Oui, on a créé une boutique parce qu’il y avait une demande. L’été, on vend des vêtements de sport dédiés au vélo et l’hiver on vend des pulls, des écharpes, des bonnets, des gants. Souvent, les gens qui arrivent ici sont surpris par le temps. »

Quelles sont vos spécialités culinaires ?

« On a de bons produits : des pieds paquets, du civet de sanglier, des caillettes aux herbes, des omelettes, de la tartiflette maison, du Mont d’Or chaud accompagné de charcuteries du pays. L’été, pour les sportifs, on va mettre en place des repas équilibrés avec une de mes filles qui est diététicienne. On doit suivre la clientèle. Pour travailler sur le Ventoux, ce n’est pas évident. Il faut être autonome. On n’est pas livré l’hiver et l’été les livreurs râlent parce qu’il y a beaucoup de vélos. »

Beaucoup de cyclistes s’arrêtent au chalet ?

« Les sportifs de haut niveau, on ne les voit pas. Ils font l’aller-retour entre le pied et le sommet. Ceux d’un niveau moyen, on les rencontre à la descente quand ils veulent boire un petit chocolat ou déjeuner avec leurs épouses. Celui qui fait une pause ici pendant la montée, c’est le cycliste lambda, moins entraîné, ou celui qui est équipé d’un vélo électrique. Quand je suis arrivé il y a quinze ans, on était à deux cents cyclistes par jour. Maintenant, on doit être à mille à la belle saison. S’il fait beau en novembre, le week-end nous en avons encore. Après, vous avez parfois des accidents avec des cyclistes non préparés. Cet été, grâce au défibrillateur du chalet, on a sauvé un allemand d’une cinquantaine d’années qui a fait une crise cardiaque. »

Vous avez des aménagements de prévus ?

« On est en pleine transformation. On va créer un snack pour les produits à emporter. Il y a beaucoup de monde et on ne peut pas refuser de la clientèle. Maintenant, il faut voir le long terme. Que va-t-il se passer dans quelques années ? J’ai peur de l’affluence. Il faudra gérer entre le touriste qui monte au sommet en voiture, les vélos, les véhicules de collection. Il y a beaucoup de manifestations sportives maintenant. Il faut arriver à partager la route. On a une région qui est magnifique, ce col mythique, ce terroir qui attirent beaucoup de monde. Il faut tout faire pour préserver le Ventoux, le garder propre. »