Architecte, passionné d’histoire locale et défenseur du patrimoine, Michel Grillet est le président de l’Académie de Beaumes-de-Venise, une association de protection, promotion et valorisation du patrimoine culturel du territoire de Beaumes-de-Venise et de ses environs. Intercom l’a rencontré sur le site du Castellas, niché sur le plateau des Courens, au-dessus du vieux village, pour évoquer avec lui le chantier en cours et les projets de l’association.
Parlez-nous du chantier que vous menez actuellement à Beaumes-de-Venise. Il est de quelle ampleur ?
« Le site du Castellas fait partie d’un dispositif plus global baptisé « Les Courens - Partager le patrimoine ». Le meilleur moyen de préserver le patrimoine est de le faire vivre en l’utilisant comme support d’activités pédagogiques, économiques et touristiques. Tout le plateau des Courens va être mis en chantier : le site du Castellas, le verger conservatoire que nous a confié la commune et où l’on va lancer une expertise floristique. L’Université Populaire Ventoux interviendra avec des personnes en insertion. En même temps, on va vendre des stages de montage de murs. Ensemble, ils apprendront la pierre sèche. Voilà, les Courens, c’est utiliser le patrimoine pour se rencontrer, apprendre, découvrir. »



Vous avez aussi un projet de visites guidées. Quel est-il ?
« Dès cet été, on va organiser des visites guidées, « Les rencontres du Castellas ». Les visiteurs monteront depuis le pied du four à plâtre (sur la route de Lafare) jusqu’ici, par les anciennes carrières où ils récolteront des morceaux de gypse. Ils feront du plâtre dans un petit four, ils pourront pique-niquer en découvrant le chantier. Et l’après-midi, ils feront un moulage de leur main avec le plâtre fabriqué le matin. C’est ce qu’on appelle les visites expérientielles, les visiteurs sont immergés. On organisera aussi une visite liée aux muscadières pour faire découvrir comment le muscat était cultivé et récolté autrefois. On ira à la rencontre des vignerons. On leur expliquera comment ils procédaient pour fabriquer le muscat de Beaumes-de-Venise. »
Vous avez d’autres projets dans vos cartons ?
« Les Courens, c’est aussi la chapelle d’Aubune et son jardin médiéval. On va organiser un marché de producteurs sur le parvis de la chapelle. On propose aussi le festival provençal de contes et chants de Provence qui a lieu les 13, 14 et 15 août. Le dispositif a été initié par l’Académie de Beaumes-de-Venise et va sans doute déboucher sur une structure spécifique dans laquelle seront associés la communes et différents interlocuteurs institutionnels qui nous financent. Par exemple dans notre projet de verger conservatoire, on rassemble la Chambre d’agriculture, le syndicat du canal et l’UP Ventoux. »



Et le chantier du Castellas proprement dit, où en est-il ?
« Il a démarré l’été dernier avec un chantier de jeunesse international et il continue tous les lundis avec 10 à 12 bénévoles de l’Académie qui rassemble 98 adhérents. En ce moment, nous construisons notre cabane de chantier sur l’emplacement d’une ancienne citerne. Une autre équipe prépare le diagnostic archéologique commandé au service archéologique du département. Notre cabane sert de démonstration technique, notamment les échafaudages. Pour hisser les linteaux, on montera une chèvre (engin de levage en bois). On va continuer de conforter la chapelle castrale. Un maçon va nous aider. Il faut aussi retailler les pierres de l’arc. On va essayé de réaliser tout ça sous forme de stages avec des gens désireux d’apprendre. Le savoir-faire peut être transmis. »
Qui fait quoi exactement ? Chacun a sa spécialité ?
« Par exemple, Maurice est un vrai murailler. Francis, lui, est un ancien ferronnier. Il y a aussi un couple d’Allemands qui apprend la pierre sèche. Francis monte les ficelles et s’assure que les échafaudages sont d’aplomb. La pierre sèche ne pardonne pas. Aujourd’hui, on va poser les linteaux, c’est le grand moment. Pour la chapelle castrale, avant d’attaquer l’enduit, on va analyser le mortier pour en connaître la composition. On saura alors quel type de sable et quel dosage de chaux utiliser. Il ne faut pas se tromper. Ce bâtiment est quand même un monument. S’il tient depuis presque 1 000 ans, c’est qu’il a été bien fait. Là derrière, il y a tout l’ancien village de Durban en ruine. À notre connaissance, il n’y a jamais eu de fouille. On va peut-être découvrir des tas de choses. Dans le futur, on envisage un gros projet comme un conservatoire des métiers anciens. La difficulté, c’est que les organismes privés ou publics subventionnent de manière verticale. À la Région par exemple, il y a une commission culture, une commission tourisme. Et là, nous sommes transversal, on mélange tout, parce que tout est mélangé dans la vie. Alors, cela prend beaucoup de temps. Mais on est très soutenu par la municipalité de Beaumes-de-Venise. Après, on espère pouvoir fonctionner juste avec le prix des stages et des visites. »
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